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INTRODUCTION A L'ECONOMIE CHINOISE

par

Daniel Arthur Laprès

 


 
 

LA MACRO-ECONOMIE EN CHINE






L'emploi
 

Le grand défi pour la Chine consiste à absorber les énormes quantités de population rurale qui sont destinées à quitter leurs terres et intégrer les communautés urbaines. One estime à 100 millions le nombre de paysans déjà recyclés, mais le processus affectera sûrement encore plusieurs centaines de millions de personnes. L’exercice est d’autant plus délicat qu’il faut arbitrer entre le progrès dans la campagne où habite encore quelque 80% de la population par exemple en donnant un sens à l’éducation de la jeunesse paysanne mais qui doit alors pouvoir des débouchés, soit en milieu urbain, d’une part, et l’aggravation du chômage et du sous-emploi dans les zones industrielles où les Entreprises d’Etat cherchent déjà à réduire leurs effectifs redondants alors que la Chine n’a pas les moyens d’étendre le système de protection sociale actuelle qui ne couvre que les ouvriers en milieu urbain surtout ceux employés par les Entreprises d’Etat. Les revenus des ménages en milieu urbain sont environ 2.6 plus élevés que ceux gagnés par les ménages en milieu rural.

Ce déséquilibre entre les milieux rural et urbain est exacerbé par un autre tout aussi significatif, celui entre les régions de l’est, proches des côtes et celles à l’intérieur et à l’ouest. Ainsi les revenus moyens des chinois à l’est du pays (13 provinces et trois municipalités sous administration directe) sont 1.6 fois plus élevés que ceux des autres chinois.

La Chine vise à établir un système de protection sociale similaire à ceux observés dans les pays de l’OCDE, qui comporterait donc des volets santé, accidents du travail, chômage, revenu minimum, retraite.

Chacun des ménages en milieu rural, ,dont il y en a environ 200 millions, est doté d’un terrain d'environ un demi-hectare. Le ménage a le droit mais aussi l’obligation de cultiver ses terres. Une partie de la récolte en céréales revient au gouvernement local. La protection sociale du ménage est assurée par son droit à ses terres, ce qui est censé expliquer l’absence d’un régime de protection sociale comparable à celui couvrant les populations urbaines. L’obligation de produire des céréales, au risque de perdre le droit aux terres, limite la mobilité de la main d’œuvre bien que l’effet nuisible est mitigé pur autant que les paysans complètent leurs revenus agricoles par des revenus provenant notamment d’activités dans les Entreprises de Villages (« TVE » ? « Township and Village Entreprise »).

Evolution de l’emploi 1952-1999
 
 
Année Salariés en 000s
1952 207.290
1962 259.100
1970 344.320
1980 423.610
1990 639.090
1995 679.470
1996 688.500
1997 696.000
1998 699.570
1999 705.860

Emploi urbain par type d’entreprise
(%)
 
  Entre- Collec- Soci- Autres privées HK Etran- Nom Fer- Er- Total
prises d'Etat tives étés Macao gères Pro- mes reurs
      Taiwan   pre    
1952 8               4 12
1962 13 4         0.8     18
1970 14 4         0.3   -2 18
1980 19 6         0.2 2 2 25
1990 16 6 0.2 0.1   0.1 1.0 1 2 26
1995 17 5 0.5 0.7 0.4 0.4 2.0 1 2 28
1999 12 2 1.7 1.5 0.4 0.4 3.0 1 7 30

Emploi rural par type de TVE
(%)
 
 
  Fer- Collec- Coopé- Privées Nom TVE Er- Total
mes tives ratives Pro- Total reurs
      pre    
1952 84           4 88
1962 82             82
1970 81           1 82
1980 67 7       7 1 75
1990 59 7 1.3 6.0   14 1 74
1995 51 9 1.3 9.0   19 2 72
1999 49 6   8.0 4.0 18 3 70
Source : China Statistical Yearbook, 2000.

De la population des travailleurs estimée à environ 706 millions, il y a environ 348 millions d’habitants des zones rurales qui sont supposées travailler les terres plus 6 millions de fermiers habitant dans des villes, et les sources les plus fiables indiquent des chiffres d’environ 155 millions dans les entreprises urbaines et environ 127 millions dans les TVEs. Il reste un nombre important de personnes non-expliquées, qui l’on peut le présumer errent de travail en travail et de lieu en lieu au gré des opportunités. Ces personnes non bien identifiées correspondraient à quelque 50 millions de personnes dans les villes et quelque 20 millions dans les zones rurales. Ces inconnus seraient vraisemblablement concentrés dans les secteurs tertiaire et secondaire.

Emploi par secteur d’activité 1980-1999
(%)
 
Primaire Secondaire Tertiaire
1980 69 18 13
1990 60 21 19
1995 52 23 25
1999 50 23 27

Emploi par sous-secteur primaire 1980-1999
 
  Industrie Construction Erreur
1980 69 18 13
1990 60 21 19
1995 52 23 25
1999 50 23 27

 

Emploi par sous-secteur secondaire 1980-1999
(%)
 
 
  Commer- Tans- Finan- Santé Educa- Gouver- Au- Er-
ce ports ce Servi- tion nement tres reurs
Trai- Commu- immo- ces Scien- Orga-    
teur nica- bilier soci- ce nisa-    
  tions   aux cultu- tions    
        re      
1980 3 2 1 2 3 1 1 -
1990 4 2 1 2 3 2 3 2
1995 6 3 1 2 2 2 7 3
1999 7 3 1 2 2 2 7 3

Source : China Statistical Yearbook, 2000.

Activités des ménages ruraux
(en millions de personnes actives ayant au moins 7 ans)
 
  Agriculture Autres
  6 mois Moins de 6 Total 6 mois Moins de 6 Total
ou plus Mois ou plus Mois
Non-agricoles       43 - 43
Agricoles 353 72 425 94 50 144
Total 353 72 425 136 50 186
Source : First Agricultural Census, National Bureau of Statistics, 1998.

Activités non-agricoles des ménages ruraux
(en millions de personnes actives ayant au moins 7 ans)
 
 
  Industrie Construc-
tion
Trans- Commerce Autres
port
Zones rurales 32 9 6 11 22
Zones urbaines 19 12 3 7 16
Total 50 21 9 18 38
Source : First Agricultural Census, National Bureau of Statistics, 1998.

Si selon les chiffres officiels, chaque 0.5 hectare est censé supporter 2 personnes, il est bien évident que peu de ménages s’en sortiraient sans recours aux occupations secondaires voire clandestines. Si la productivité des paysans devait être portée au niveau de celle des travailleurs urbains par le seul effet de changement de la population, il faudrait déplacer quelque 200 millions de paysans vers les villes. De pareilles transformations sont impressionnantes mais pas inconnues, la Corée du Sud ayant vu la part agricole de l’emploi passer de 50% à 11% du total entre 1970 et 1997, alors qu’emploi non-agricole progressait de 300%.

En Chine, les statistiques concernant l’emploi en général et concernant l’emploi rural en particulier sont sujettes à précaution. Surtout parmi les travailleurs agricoles, nombreux sont ceux qui sont compris officiellement, par exemple pour bénéficier d’attribution de terres, sans qu’ils ne soient réellement, exclusivement ou principalement intéressés par l’exploitation des terres. En même temps, on peut supposer que leurs activités annexes sont sous-estimées dans les chiffres officiels. Bref, les marchés gris et noirs pallieraient les défaillances du système officiel en absorbant certains des chocs de la transformation sociale.

Revenus des ménages ruraux répartis par source
 
 
1985
1990
1995
1999
Salaires 18 20 22 29
Agriculture et assimilée
11
10
4
3
Industrie et construction
3
6
14
20
Services 
4
5
5
5
         
Revenu commercial des ménages 74 76 71 66
Agriculture et assimilé
64
65
59
50
Industrie, artisanzat et construction
4
5
4
6
Services
6
6
8
10
Transferts et revenu terriens        
Total 8 4 6 6
Dont 100 100 100 100
Agriculture et assimilée
75
74
63
53
Avantages en nature
39
33
37
28
Total 1999 RMB/an
1.311
1.370
1.718
2.210
Taux de croissance annuelle réelle %  
0.9
4.6
3.7
Source : China Statistical Yearbook 2000
 

Revenus des ménages ruraux répartis par source
Revenu net par capita, %
Comprenant tous revenus excluant les avantages en nature
 
  1985 1990 1995 1999
Salaires 30 30 35 40
Revenu commercial des ménages 58 64 55 52
Transferts et revenu terriens 12 6 10 8
Total 100 100 100 100
Total 1999 RMB/an 799 918 1.091 1.585
Taux de croissance réelle %/an   2.8 10.7 7.2

Comparaison de l’évolution des salaires
par type d’activité
1980-1999
 
 
  Salaire Entreprises Etat Collectives urbaines Privée et autres urbains TVEs Revenu rural moyen
Urbain
moyen
1980 100 105 82   52 57
1985 100 106 84 125 59 60
1990 100 107 79 140 57 53
1995 100 102 71 136 62 50
1999 100 102 69 118 62 41
Source : China Statistical Yearbook 2000.

Le secteur tertiaire est manifestement sous-développé par rapport à d’autres pays même à son niveau économique. Ainsi, alors que la part des services dans le pays chinois tourne autour des 30%, cette part dépasse largement les 60% dans la plupart des pays développés et dépasse les 50% dans des pays tels que la Corée du Sud, le Mexique, les pays de Europe de l’Est. Il est à remarquer qu’à Hong Kong elle constitue plus de 90% du PIB. Seul Beijing possède un secteur tertiaire contribuant plus de 50% du PIB local.

L’administration chinoise rechigne à reconnaître l’importance réelle des populations urbaines. Si la moitié de l’emploi total est agricole, seulement 31% de la population est reconnue comme résidant dans des zones urbaines et peut-être aussi peu que 26% des ménages détiendraient des « hukou » domiciliés dans des zones non-rurales. Moins de 10% des détenteurs de hukou dans des zones rurales possèdent un hukou non-agricole et environ un quart des résidents en zones urbaines détiennent des hukous agricoles (dont la plupart sont des migrants en situation irrégulière à la recherche d’un situation de régularisation). Le résultat net est que grand nombre de ménages ruraux jouissent des avantages du système de Responsabilité dues ménages pour Al production, soit des dotations de terres), tout en ayant des revenus non-agricoles substantiels, phénomène observé dans toutes les provinces bien que de manière plus accentuée dans les provinces côtières.

Selon l’OCDE, en 1999, l’emploi non-agricole, rural et urbain confondu, était occupé par les entreprises du secteur privé, soit en dehors du contrôle de l’Etat ou des provinces tout en comprenant la plupart des TVEs, dont la propriété a été transférée au cours des dernières années.

En prenant comme critère de pauvreté le fait d’attribuer au moins 50% des recettes du ménage aux besoins de consommation, seuls les ménages gagnant des revenus dans la tranche des 5% les plus bas seraient considérés comme pauvres dans les villes mais la plupart des régions rurales seraient considérées comme pauvres.

Les TVEs paient des salaires moins élevés que les concurrents dans les zones urbaines; par ailleurs, les employeurs dans les zones urbaines sont redevables de charges sociales correspondant à 20% des salaires.

Selon l’OCDE, un salarié typique dans une grande ville travaillant dans une Entreprise d’Etat gagnait environ RMB 7.000 par, e s’il travaillait pour une Entreprise Collective, le montant aurait correspondu à environ RMB 5.000. Dans les TVEs privées ou semi-privées, le niveau des salaires est un peu inférieur à celui observé dans les Entreprises Collectives.

L’analphabétisme est deux fois plus élevé en zones rurales qu’en zones urbaines (soit 16% et 8% respectivement).

Niveau d’éducation
 
Population Chine rurale Chine urbaine OCDE
Niveau collège 40% 67  
Niveau lycé" 5 31 62
Niveau université 0 9 22
Source : OCDE, China in the World Economy, Paris, 2002, p. 548.

La situation de la génération actuellement à l’école semble s’améliorer. Pratiquement tous les enfants où qu’ils soient résidents assistent à l’école primaire et environ 80% suivent les cours jusqu’à l’âge de 14 ans.

Il n’y a qu’environ 4 millions d’étudiants dans les universités chinoises qui produisent environ 850.000 diplômés par an, soit 4-5% de la tranche d’âge concernée. 25% des étudiants sont concentrés dans deux grandes régions (Beijing, Tianjin, Hebei, et Shanghai, Jiangsu, Zhejiang) et encore 25% se trouvent au nord-est dans le Hubei et le Shaanxi.

Rotation de la main d’œuvre dans les zones urbaines

Nombre de séparation (% des postes)
 
  Démis- Ren- Fin de contrat Trans- Pas au poste Total
sions voyés féré
(y compris retrai-tes)    
1998 1.9 0.8 1.9 1.7 7.0 13
Entreprises d'Etat 2.0 0.6 1.3 1.8 6.2 12
Entreprises Collectives 1.2 1.0 2.4 1.2 8.8 15
Autres 2.6 2.8 6.5 2.1 11.3 25
1999 1.4 0.9 2.0 1.5 4.8 11
Entreprises d'Etat 1.4 0.6 1.4 1.6 4.2 9
Entreprises Collectives 1.3 1.3 2.7 1.2 6.7 13
Autres 1.3 1.9 4.6 1.4 5.7 15
Source : China Labour Statistics Yearbook, 1999 et 2000.

Nombre d'embauches (% des postes)
 
  Provenant Provenant Educa- Trans- Trans- Autre Total
de la campagne des villes tion ou ferts à l'intérieur d'une région ferts d'autres régions  
    armée      
1998 1.2 0.6 1.4 1.6 0.06 1.3 6
Entreprises d'Etat 0.7 0.4 1.5 1.5 0.07 0.8 5
Entreprises Collectives 1.2 0.6 0.5 0.8 0.02 0.7 4
Autres 6.1 3.4 2.9 4.8 0.11 7.0 24
               
1999 1.3 0.7 1.5 1.4 0.04 1.4 7
Entreprises dÕEtat 0.7 0.4 1.7 1.5 0.04 1.2 5
Entreprises Collectives 1.7 0.7 0.6 0.9 0.02 1.4 5
Autres 4.5 2.5 1.9 1.9 0.07 2.7 14

 

La faible mobilité des travailleurs constitue une tradition séculaire perpétuée dans le régime communiste à travers la gestion des « hukou ». Seules les entreprises privées ou semi-privées affichent des taux de rotation de main d’œuvre conformes à ceux observés dans les pays de l’OCDE. La mobilité des travailleurs migrants (« Autres ») dont la situation sociale laisse beaucoup à désirer.

La mobilité des travailleurs mesurée dans les pays de l’OCDE sur la base de départs de salariés varie entre 10% et 40% parmi les pays, membres. Les résidents des pays de l’OCDE déménagent leur domicile par ailleurs au rythme de 1 à 4% par an. La mobilité de poste de travail ainsi que la mobilité régionale sont plus élevées en Amérique du Nord qu’en Europe et au Japon la mobilité faible en termes de rotation de poste est élevée en termes de déplacement territorial. De manière générale la mobilité des générations plus jeunes et plus élevée.

Selon l’OCDE, il existerait une population de quelque 70-80 millions de travailleurs ruraux migrants à la recherche d’emplois concentrée dans les principales villes des régions côtières. Mais les estimations varient entre 50 et 200 millions de personnes.

Les Entreprises d’Etat ont tendance à recruter en fonction des nominations faites par l’administration locale ou encore par succession entre générations.Par conséquent, le processus de recrutement est discriminant au détriment des travailleurs venus d’ailleurs, ainsi que vis-à-vis des femmes. Les TVEs et les entreprises étrangères manifestent une plus grande autonomie dans leurs décisions de recrutement.

Sans amendement de son hukou un paysan ne peut s’établir en ville. Selon la réglementation du travail en Chine, les entreprises dans les zones urbaines d’une province ne peuvent recruter des candidats provenant des zones rurales de tout autre province que si l’offre locale n’est pas adéquate. De fait, cette règle est souvent appliquée aussi aux travailleurs des zones rurales de la même province et aux travailleurs des zones urbaines des autres provinces.

Les déménagements vers la ville ou entre provinces ou villes doivent être approuvés par les autorités aux deux bouts du transfert. Dans la pratique, les changements de hukous sont le plus facilement obtenus pour les postes soit de très haute technicité soit de très basse technicité dans les villes. Les besoins d’une région peuvent être ponctuels, s’agissant par exemple du projet des Trois Gorges. Les migrations internes sont orientées vers Guangzhou et Shanghai. Selon l’OCDE, les migrations clandestines qui ne semble pas être un phénomène important sont de toute façon souvent tolérées par les autorités.

Depuis le premier octobre 2001 le régime des hukous est administré avec plus de souplesse dans les petites villes où en principe les travailleurs disposant d’offres d’emploi stable verront agréées leurs demandes de changement de hukou. Mais dans les 240 plus grandes villes ayant le statut de préfecture ou de province (donc, en général, ayant des populations d’environ 500.000 personnes), le règlement reste en principe inflexible.

La situation sociale des travailleurs migrant au bas de l’échelle sociale est précaire. Le plus souvent, ils ne bénéficient pas des mêmes protections sociales que les travailleurs locaux. Sans hukou urbain, les migrants vers les villes ont peu de possibilités de négociation. Ils acceptent les postes dédaignés par les autochtones, les salaires les plus bas, ceux bénéficiant des moindres protections sociales.

En fait le règlement du travail n’est pas strictement appliqué dans les zones économiques spéciales, ni dans les grandes entreprises industrielles.

La Chine n’a pas ratifié l’ensemble des conventions de l’Organisation International du travail.

L’emploi par les Entreprises d’Etat a atteint son summum en 1995 avec 110 millions de travailleurs. Mais depuis, les programmes d’amaigrissement ont eu des résultats dramatiques, notamment dans les provinces côtières. Après 1998, les travailleurs écartés par les Entreprises d’Etat ont eu la possibilité de suivre des formations en recevant pendant un maximum de 3 ans des rémunérations (certes moins élevées que leurs salaires). 10 millions de travailleurs suivaient ces formations en 2000. Le Gouvernement entend démanteler ces programmes de formation à l’avenir afin de socialiser le problème et de soulager les Entreprises d’Etat de ce fardeau. En effet, plus de la moitié des travailleurs suivant ces formations y restent au moins un an et demi, et une séparation franche d’avec l’entreprise encouragerait leur recherche de travail ailleurs. La tranche d’âge 35-45 a la plus grande difficulté à retrouver un travail. Mais de nombreux travailleurs en formation ont probablement des sources de revenus parallèles.
 
 

 
 

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